jeudi 17 mars 2016

De guerre lasse

Tous vos morts attachés à mon manteau
Maculé d'ordure, de boue, de terre,
Je fais moisson de toutes les colères
Et j'avance sans trêve ni repos

Je marche jusqu'à l'épuisement
Jamais le mien, non! Mais toujours le vôtre.
Et d'une génération sur l'autre
Je renais, toujours plus lasse du sang.

Pareille à Dieu, je m'engendre moi-même
Parce que le vaincu attend son tour
Je vous reviens sous de nouveaux atours
Mais n'ayez crainte : je reste la même

Nul n'est victime pour l'éternité
Et même les larmes des innocents
Ont déjà pour moi le reflet du sang
Ainsi je venge ceux que j'ai tués

Si vous saviez comme j'aimerais dormir
M'étendre quelque part entre vos morts
Ceux qui ont raison et ceux qui ont tort
Et cesser d'être enfin, cesser de nuire

Hélas! L'Histoire des hommes n'a pas
Assez de siècles pour mon sommeil
Alors je continue. Je vous surveille
J'avance parmi l'ombre et le fracas

jeudi 3 mars 2016

Disney n'a décidément rien inventé

Comme en témoigne ce texte de l'auteur grec Lucien, où il se met en scène comme disciple d'un "scribe sacré de Memphis", nommé Pancratès : 

"Quand nous arrivions à une hôtellerie, mon homme prenait la barre de la porte, ou le balai, ou le pilon, le recouvrait d'habits, et, prononçant sur lui une formule magique, il le faisait marcher, et tout le monde le prenait pour un homme; et l'objet s'en allait puiser de l'eau, faisait nos provisions, les accommodait, nous servait en tout avec adresse et faisait nos commissions. Ensuite, lorsque le mage n'avait plus besoin de ses services, il refaisait du balai un balai, du pilon un pilon, en prononçant sur lui une autre formule d'incantation. 

(...) un jour, m'étant secrètement placé dans un coin assez obscur, j'entendis l'enchantement sans qu'il s'en aperçût. C'était un mot de trois syllabes. (...) Le lendemain, ce mage étant allé à la place pour traiter quelque affaire, je pris le pilon, l'habillai comme le faisait l'Égyptien, prononçai les trois syllabes et lui ordonnai d'apporter de l'eau. 

Quand il eut rempli l'amphore et me l'eut apportée : 

-C'est assez, lui dis-je, n'apporte plus d'eau et redeviens pilon. 

Mais sans vouloir m'obéir, il en apportait toujours, tant et si bien qu'à force d'en puiser, il en eut inondé notre maison. J'étais fort embarrassé, car je craignais fort que Pancratès, à son retour, ne se fâchât contre moi, ce qui arriva en effet. Je prends alors une hache, et je coupe le pilon en deux, mais chacun des deux morceaux prenant des amphores va chercher de l'eau, et au lieu d'un porteur j'en eus deux. À ce moment, Pancratès survient; il comprit ce qui s'était passé et refit de ces porteurs d'eau des morceaux de bois tels qu'ils étaient avant l'enchantement."