lundi 22 septembre 2014

BrÊves de mon épouse


"Si ça se trouve, en ramassant des champignons, nous allons aussi ramasser des Schtroumfs..."

C'est une voix endormie qui me dit cela à l'oreille avec le plus parfait sérieux. Je crois rêver, mais non : ma compagne me sussure doucement les réflexions que lui inspirent ses propres rêves. Il m'arrive également de parler dans mon sommeil, mais hélas avec beaucoup moins d'intelligibilité. En revanche, l'imagination de mon épouse ne s'accordant aucun répit, j'ai pu également entendre :

"On ne peut pas mettre une girafe sous le lit, il n'est pas assez haut. Du coup on ne peut pas avoir de girafe domestique."

Suivi immédiatement de :

"Si j'étais une girafe, je ne pourrais pas te prendre dans mes bras : je t'écraserais avec mes sabots. Au fond, c'est quand même mieux d'être une fille, même si je ne suis pas tachetée."

Il faut savoir que les girafes ont eu leur heure de gloire dans les confessions oniriques de ma compagne, à tel point qu'au lieu de lui souhaiter de beaux rêves je lui souhaitais de belles girafes. Par exemple :

"Les girafes ont des casques de pompier, pour les feux de savane. C'est pratique, vu qu'elles voient loin."

La thématique de la girafe coiffée d'un couvre-chef a d'ailleurs mérité plusieurs aphorismes, tels que :

"Les girafes doivent mettre un chapeau, sinon leurs cornes, elles tombent."

Et un peu plus tard, mon espoir d'avoir un jour une girafe apprivoisée rendant quelques menus services a été mis en pièces par une logique imparable :

"Tu ne peux pas envoyer les girafes faire les courses, elles ne peuvent pas entrer dans un supermarché."

Mais comme mon épouse pense à tout, elle a ajouté :

"Dans un marché en plein air, d'accord, sauf s'il pleut, parce qu'alors elles déteignent."

Vous l'aurez compris, le pelage tacheté de la girafe est pour ma chère et tendre l'expression d'une élégance particulièrement raffinée, qui a inspiré de nombreuses réflexions :

"Les girafes ne font pas de flamenco, parce que c'est très difficile de trouver des chaussures à leur taille. En plus, si elles avaient des pois à la place des tâches, ça ferait ridicule."

"Une girafe, ça a des tâches, ça ne va pas avec le kilt. Par-contre, comme le zèbre a déjà des rayures, s'il porte un kilt ça fait ton sur ton, tu vois."

"Ce serait marrant si une girafe avait des rayures comme un zèbre, comme si elle s'était trompée de pyjama. Nous, nous n'avons pas de pyjama et c'est bien. Comme ça, on ne nous confond pas avec des pandas ou des girafes."

Le kilt d'ailleurs est revenu à la charge quelques nuits plus tard :

"J'ai oublié de prévoir les kilts pour les chats, pour le mariage. Il faut que les chats portent un kilt au mariage. Mais toi, ne mets pas un kilt en peau de girafe, il y aura des tâches et ça ne t'ira pas."

Admirez la manière dont finalement la girafe revient à l'improviste, bouclant fort harmonieusement la succession de ces haïkus nocturnes! Il arrive d'ailleurs que d'une nuit sur l'autre, ces pensées conçues dans les bras de Morphée se répondent. Par exemple :

"Tu peux utiliser une girafe comme une échelle. C'est pratique."

Contredit la nuit suivante par :

"Tu ne peux pas utiliser une girafe comme une échelle, tu vas glisser le long du cou."

D'autres sont plus surréalistes, comme :

"C'est normal, Nikos. Si tu manges le chien, ses oreilles, elles tombent."

Et pour conclure, je vous confie cette question qui me taraude depuis qu'elle me fût posée :

"Quand les girafes mettent des jarretières, est-ce qu'elles en mettent aux quatre pattes, ou juste aux pattes arrières?"