Le
texte qui suit est un court résumé de la partie du jeu de rôle Terre
Seconde (www.terreseconde.fr) du 24 septembre dernier, dans le cadre de la
campagne "Les damnés du roi-vampire". Il s'adresse essentiellement aux
joueurs de la table.
Darius de Stelelor contemplait sans comprendre les cartes étalées devant lui. Lorsque Minhéa la Vile lui avait donné cet exemplaire des Noji, ces lames de tarot provenant des tréfonds du Monde Chtonien, elle lui avait longuement expliqué comment analyser les prédictions qu'elles donneraient. Il savait que c'était un objet créé par un peuple deux fois damné, au pouvoir immense mais capricieux et retors...
Mais même en tenant compte de cela, quel sens donner à ce galimatias silencieux, porté par des cartes muettes, dispersées sur la table de bois à laquelle il était assis, leurs figures grimaçant étrangement à la lumière de l'âtre? Le bois craquait comme si un démon y battait ses enfants... et il avait beau être seul, il ne pouvait se départir de la sensation d'être observé par ces cartes comme lui-même les observait.
-Reprenons, dit-il pour lui-même. Les pécores du village m'ont tous parlé des voyageurs arrivés ce matin. Ce sont certainement ces fous qui espèrent échapper à la Maladie du Roi Ixiom que Mère cherche à tous prix. S'ils ont marché toute la nuit en quittant Mare Frigă, ils se sont forcément arrêtés ici. Mais où?
Pour toute réponse, le tarot lui proposait la Dame des Chiffres, la Dame des Silences et l'Infâme des Larmes.
Ils étaient donc dans un lieu où se trouvaient la réponse à leurs questions sous forme écrite et couraient en ce moment vers la réalisation de leur souhait qui était également pour eux un piège.
-Si je comprends bien, ils ont dû trouver refuge dans la Maison aux Tilleuls et y trouver l'avertissement qui pourra peut-être les sauver du piège qui les attend à la Cathédrale St-Vladimir marmonna Darius en regarda la Lune par la fenêtre, qui se découpait entre les tours de la forteresse où il s'était arrêté. Si toutefois ils arrivent à Predeal un jour...
Sa mère Ovidia semblait le redouter, puisqu'elle lui avait ordonné de les intercepter à tout prix! En tous cas, la Maison aux Tilleuls, ancienne demeure des Prostia et origine de la Maladie du Roi Ixiom, était pour la Garde de Fer un lieu sacré et inviolable.
C'était peut-être ce qui les avait incités à y trouver refuge. Peut-être sans le savoir ou tout simplement vaguement guidés par le Voievod, ils étaient arrivés dans l'unique endroit où étaient écrites les deux règles qui avaient permis au peintre Liviu, créateur du Retable de St-Vladimir, de guérir de la Maladie du Roi Ixiom sans finir dévoré par le Dragon.
"Dracul este Iadul şi Iadul este Dracul" comme disait le peuple. Le Dragon est l'Enfer et l'Enfer est le Dragon. La gueule du Dragon... ou du Diable, comme disaient les chrétiens, n'est autre que cet Enfer souterrain qui parfois apparaît aux Daces, depuis la malédiction du pays.
-Avez-vous maintenant compris que Iadul est l'essence du Dragon et que votre maladie est un cycle par lequel il se nourrit d'âmes mortes, à la fois prisonnier et tout-puissant? dit-il à haute voix, comme s'il s'adressait aux aventuriers damnés.
Il s'était demandé ce qu'ils faisaient dans cette demeure en ce moment... et la réponse était particulièrement étrange : le Vampire, la Sorcière et la Curée.
L'un d'entre eux s'était transformé en dévorant un peu de l'essence d'un autre... un gobelin, apparement? Il pensa aux Darask, ces répugnants petits gobelins verdâtres. Était-il devenu vert à son tour, le malheureux? La Maison aux Tilleuls recelait bien des maléfices nés des âmes tourmentées des spectres qui y sont prisonniers.
Il y avait plus important, sans doute : l'Écuyer des Chaînes, le Roi des Silences et l'Infâme des Silences.
L'un d'entre eux ou plutôt l'une d'entre eux - une sorcière élémentaliste apparemment? - avait revêtu des habits qui volés dans la demeure. Ceux de Luminiţa Prostia sans doute? Elle avait ouvert Iadul et s'était noyée dans la salive du Dragon... Il imagina une eau noire et glacée engourdissant la petite sorcière, sans doute hydromancienne.
Mais s'il fallait en croire les cartes, cette jeune femme a fait avec jubilation ce pas supplémentaire vers sa propre damnation. Plus proche encore que les autres damnés du Dragon, elle peut désormais faire appel à sa sorcellerie, grâce aux âmes prisonnières d'autres sorciers hydromanciens comme elle.
-Croit-elle pouvoir se rapprocher du Dragon sans être dévorée? se demanda Darius en tirant trois dernière cartes.
La Maternelle des Épées, l'Archiviste et la Voyageuse de Sang : cela annonçait un bouleversement radical, quelque chose qui allait s'opposer à cette eau ténébreuse dans laquelle la petite sorcière semblait se noyer avec bonheur... le feu!
Allaient-ils donc incendier la Maison aux Tilleuls? Ce faisant ils renonceraient à une aide... une complicité locale sans doute, de la part d'un villageois horrifié par leur acte?
C'était inouï et pourtant il ne put s'empêcher d'aller à la fenêtre pour vérifier. Cette lueur rouge aux pieds des Muntii Singurii, était-ce...?
-Domnia voastră! s'écria l'un des Chevaliers-Vampires qui l'avaient accompagné à Chipul Mamei en entrant en trombe dans la salle. La... La Maison aux Tilleuls!
-Eh bien quoi, la Maison aux Tilleuls? s'impatienta brusquement l'aristocrate, chez qui ce nom ne pouvait que résonner particulièrement fort en cet instant.
-Elle... Elle brûle! dit finalement le Vampire, qui pourtant ne pouvait pas être essouflé, comme saisi par une réminiscence des terreurs qui jadis donnaient la chamade à son coeur de mortel.
Darius de Stelelor reporta son attention sur les lames déposées devant lui sans répondre. Ainsi le feu s'était bien réalisé?
-En selle! ordonna le revenant en se levant. Je veux la Maison cernée! Ceux qui ont bouté le feu ne doivent pas pouvoir en ressortir!
En partant, il repensa à l'Archiviste, seule carte restée incomprise. Elle représentait un démon chtonien vénéré par le peupel qui avait créé le tarot : l'Ombrageuse Enfant. Quel rapport ici? Quel lien obscur avec le Dragon?